(Auto-Moto-Rétro, Parc des Expos de Rouen, Seine-Maritime, septembre 2013)
La guerre fratricide entre les branches de la famille Peugeot a pris fin en 1911, laissant à armand Peugeot le goût amer de la victoire. La fusion des deux entreprises a donné lieu à la création de la Société des Automobiles et Cycles Peugeot, réunissant les "Automobiles Peugeot" et les "Fils de Peugeot Frères". L'entreprise compte alors quatre usines : Audincourt, Beaulieu et Valentigney dans le Doubs et une autre à Lille. L'entreprise produit alors une gamme complète de véhicules allant de la petite voiture économique (la VC2) à la grosse limousine cossue comme la Type 141. Une nouvelle usine sort de terre à Sochaux en 1912 pour y fabriquer des camions. L'entreprise est en plein essor et fabrique environ 10 000 voitures par an, soit la moitié de la production française.
Las, Armand Peugeot a laissé les rênes de l'entreprise à Robert. Ce dernier n'étant pas aussi inventif que son cousin, il cherche un modèle facile à fabriquer et rentable, à l'instar de la Bébé Peugeot qu'Armand avant conçue en 1905 (Bébé Peugeot Type 69). Et c'est là que la providence s'en mêle. A quelques kilomètres de là, un jeune ingénieur italien auto-didacte, s'est installéà Molsheim. On commence à la connaître grâce à sa Type 13 qui a remporté quelques courses aux alentours. Ettore Bugatti commence à vendre des voitures en nombre plus conséquent, mais il n'a pas la capacité de produire en masse. Il a pourtant conçu un petit véhicule léger et bien fait, comme à son habitude. Il le propose au constructeur allemand Wanderer, mais les deux hommes ne parviennent pas à s'entendre sur les modalités de fabrication. Bugatti finit par claquer la porte et se retrouve avec son projet sur les bras. Ne sachant qu'en faire, il va le proposer tout simplement au constructeur le plus proche de Molsheim, c'est à dire Peugeot.
Et Robert Peugeot est très vite séduit par cette petite voiture qui est très proche de l'idée des cyclecars très en vogue depuis le Bédélia, une catégorie fiscale qui réduit la taxe sur l'automobile à 100 F si le véhicule est d'une cylindrée de moins de 1100 cm3, d'un poids inférieur à 350 kg (carrosserie nue, sans les accessoires) et n'emporte pas plus de deux passagers. Longue de 2,60 mètres, dôtée d'un moteur de 850 cm3, elle remplit parfaitement ces conditions. Le contrat est signé entre Bugatti et Peugeot le 16 novembre 1911. Peugeot produira la voiture à Beaulieu et versera une redevance de 150 F par voiture, un prix qui peut descendre à 80 F si les ventes augmentent.
La voiture est présentée au Salon de l'Automobile en octobre 1912 et elle convainc. La Bébé Peugeot Type BP1 séduit par son petit gabarit, son petit nez plongeant. Pour baisser le prix, Robert Peugeot a fait des choix. Si la Bugatti Type 19 avait un moteur 4 cylindres avec arbres à cames en tête, la Peugeot conserve des soupapes latérales entraînées par deux arbres à cames logés dans le carter. La puissance en est réduite à 6 ch. De même, la Bugatti Type 19 est équipée d'une boite à quatre vitesse alors que la Bébé Peugeot n'en aura que deux à sa sortie, puis trois au cours de 1913.
Commercialisée à partir de 1913 au prix de 4250 F (14 300 € actuels), la Bébé est fabriquée à 3096 exemplaires jusqu'en 1916. Le partenariat entre Bugatti et Peugeot aurait sans doute pu continuer, mais la guerre en a décidé autrement. Peugeot reviendra sur le segment en 1921 avec la Quadrillette puis en 1928 avec la 190.